JERÔME DUVAL

Journaliste

Wednesday, 22 January 2025

L’enquête inachevée d’Omar Radi enfin publiée

L’enquête inachevée d’Omar Radi enfin publiée

Omar Radi, 2018. Lamyaachary, CC Wikimedia Commons.

Un proche du roi du Maroc aurait bénéficié de passe-droits fonciers, révèle Forbidden Stories, reprenant l’investigation d’un journaliste incarcéré depuis juin 2020.

Il vient de souffler ses 36 bougies derrière les barreaux. Cela fait plus de deux ans déjà que le journaliste et défenseur des droits humains marocain Omar Radi croupit dans les geôles du roi, pour avoir exercé son métier. Le 3 mars 2022, la Cour d’appel de Casablanca l’a condamné à six ans de prison pour «viol» et «espionnage». Des accusations sans fondement d’après nombre d’ONG, dont Human Rights Watch. Cette volonté manifeste de le réduire au silence vient d’être déjouée par l’organisation Forbidden Stories qui a repris son investigation restée inachevée pour la publier en début de semaine dernière.

Terres spoliées

La raison du harcèlement judiciaire dont a été victime Omar Radi serait en effet à chercher du côté de ses enquêtes pour lesquelles il avait été placé sous surveillance par le gouvernement. Son ordinateur était piraté et son téléphone espionné par le logiciel Pegasus alors qu’il enquêtait sur le projet de la plage des Nations, «une logique de prédation foncière», selon ses propres mots.

Après l’arrestation du journaliste, Forbidden Stories a repris l’affaire de cette communauté Oulad Sbita, dont les terres ancestrales – des centaines d’hectares de «collectivité ethnique» – ont été spoliées. Un territoire idéalement placé sur le littoral atlantique, à une trentaine de kilomètres au nord de la capitale, Rabat. Une plage privatisée y borde désormais un golf, une zone commerciale et des villas de luxe avec piscine.

L’affaire aurait été particulièrement profitable à l’entourage du roi, selon Forbidden Stories, qui pointe la société immobilière Addoha. Son PDG, Anas Sefrioui, l’une des plus grandes fortunes du pays, serait un proche de Mounir Majidi, secrétaire personnel du roi Mohammed VI et gestionnaire de la fortune du royaume.

Or, selon un décret royal du 27 avril 1919, hérité de l’époque coloniale, ces terres sont incessibles et placées sous la tutelle du Ministère de l’intérieur. Mais un subterfuge a permis à Addoha de contourner la loi et de les acquérir à bas prix en passant par des institutions étatiques.

Délit d’initié

Grâce à l’investigation d’Omar Radi qui s’apprêtait à dévoiler les dessous de l’expulsion des habitant·es, Forbidden Stories a également découvert ce qui ressemble fort à un délit d’initié lors d’une opération boursière: le 10 novembre 2006, à la veille de l’annonce du projet sous le regard du roi, la valeur de l’action Addoha explose. Des plus-values considérables – allant jusqu’à 20 millions d’euros pour une personne – auraient été empochées. Si le gendarme de la Bourse a bien ouvert une enquête, son directeur général l’a classée sans explication en 2008. « Le foncier sert régulièrement de machine à cash aux fortunes du royaume », signale une source anonyme.

Le gouvernement marocain n’a pas réagi aux révélations de Forbidden Stories, mais plusieurs médias marocains ont donné de la voix ces derniers jours pour dénoncer une « campagne de propagande » contre le royaume chérifien.

Source : Le Courrier

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